Le deuxième monde
La lumière s’était transformée. Tout occupé à comprendre la situation, tout attaché à résoudre ces équations qui font une vie, ou du moins à les formuler le plus intelligemment possible, je ne m’étais pas intéressé à l’état du ciel, et du jour dont il manquait le soleil, à moins que ce ne fut une nuit tant d’étoiles y scintillaient, une nuit albinos - spectacle hallucinant d’amas stellaires, de gaz rougeoyants - mais la clarté était alors trop crue. Je ne reconnaissais pas ces constellations qui proposent une route, et mon amnésie n’y était pour rien, je le savais. La peur revenait.
J’interrogeais ce ciel pourpre qui ne me guiderait pas - qu’aurais-je bien pu en faire - quand l’horizon devint presque blanc. Ce fut un phénomène soudain.
Un peu sur ma droite, un soleil en boursouflait la surface, soufflant un feu cru presque métallique. Lumière en fusion. La nuit se défaisait, le jour grandissait, et, par je ne sais quel artifice, il m’apparut anormalement sombre tandis que la nuit avait été curieusement claire.
Des étoiles persistaient à être visibles, mais le phénomène ne s’arrêtait pas là, puisque sur ma gauche, à l’autre bout de la planète, naissait un second soleil, immense et pourpre, source des colorations de ce monde, qui paraissait absorber l’incandescence de l’astre blanc. Je l’aurais presque entendu chanter. Je l’admirais gravir, avec une lenteur exaspérante, le premier jour de ce monde que je savais, à présent, ne pas être le mien.